Au même titre que le livret A, le LDD ou le LEP, l’assurance-vie est encore aujourd’hui un des produits d’épargne qui ne peut pas être transféré vers une nouvelle compagnie d’assurances. Pourtant, cette possibilité existe déjà pour d’autres produits tels que le PEL, le PEA, le PERP ou le Madelin. Le titulaire d’une assurance-vie, quant à lui, doit clôturer son ancien contrat puis en ouvrir un nouveau. Cette problématique a été remise en lumière par le Sénat en janvier 2019 afin d’apporter des réponses concrètes aux épargnants.
Quels sont les inconvénients à fermer puis à ré-ouvrir une assurance-vie ? Quelles sont les évolutions envisagées par le Sénat à ce sujet ?
Un sondage effectué en 2018 établit que 74 % des détenteurs d’assurance-vie souhaitent avoir la liberté de transférer leurs contrats dans un autre établissement. Les raisons sont multiples : certains épargnants ne s’estiment pas satisfaits par les supports de placement proposés, par les options de gestion, par la qualité de la relation avec leur interlocuteur ou encore par la qualité du conseil. Ils sont ainsi nombreux à avoir des contrats bloqués chez des assureurs qui ne les satisfont pas.
C’est ce qu’avait révélé une enquête de la CLCV, une association nationale de défense des consommateurs et usagers. Car l’association a constaté que les assurances vie commercialisées par une banque ont un rendement plus faible que les contrats commercialisés par un assureur ou une mutuelle (sur 8 ans, 22.62 % contre 27.96 %).
La CLCV note aussi des taux de redistribution qui vont de 56 à 107 % selon les assureurs. Le taux de redistribution, c’est le taux de rendement global du portefeuille dans lequel est inclus le contrat. Un mauvais taux de redistribution laisserait à penser que votre contrat subit des frais de gestion important.
Autre point soulevé : les contrats fermés à la commercialisation ont tendance à être moins bien servis que les contrats toujours ouverts (sur 8 ans, 25.62 % contre 27.13 %).
L’assurance-vie permet de bénéficier de nombreux avantages fiscaux tels que le régime fiscal sur les plus-values réalisées au bout de 8 ans de détention du contrat, ou encore l’abattement dans le cadre d’une succession pour les primes versées avant les 70 ans de l’assuré. Or, si celui-ci clôture son contrat, il perdra l’ensemble des bénéfices acquis avec le temps.
Face à cette problématique, beaucoup de contrats sont délaissés par leurs propriétaires. Certains parlementaires le font ainsi remarquer : « Les épargnants qui ne sont pas satisfaits […] laissent dormir leur épargne sur le fonds en euros alors qu’ils pourraient trouver l’expertise adéquate auprès d’un autre organisme pour dynamiser leur épargne sereinement. La libre entrée sur le marché de l’assurance-vie n’est pas respectée. Les acteurs innovants et indépendants connaissent des difficultés importantes pour émerger, face aux banques et assurances peu motivées à accompagner leurs clients dans la prise de risque.
Ce dispositif intéresserait au premier chef ceux qui conservent leur argent dans de vieux contrats devenus très peu rémunérateurs, et qui lorgnent les rendements bien plus attrayants des fonds euros lancés récemment…
Mais aussi les gros épargnants (plus de 150 000 euros de contrats) car un transfert les fait basculer dans le cadre de la flax tax (30 %). La taxation passant alors à 12,8 % (plus les 17,2 % de prélèvements sociaux), même après 8 ans…
Ainsi que les plus de 70 ans. Le système actuel pénalise les personnes de plus 70 ans, en matière de droits de succession. En cas de transfert elles ne bénéficient plus que d’un abattement de 30 500 euros lors d’une succession, contre 152 500 euros par bénéficiaire pour les sommes versées avant 70 ans.
En septembre 2018, deux députés LREM avaient déjà proposé des amendements afin de rendre possible le transfert des contrats d’assurance-vie. Ces propositions avaient finalement été retirées face à un ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, réticent. Celui-ci expliquait alors que rendre les transferts possibles risquait de déstabiliser les assureurs dont le rôle est d’accompagner leurs clients sur du long terme. Or, si ces derniers ont la possibilité de changer du jour au lendemain de gestionnaire, cette optique d’investissement ne peut plus être respectée.
Cependant, cinq mois après cette première tentative, un amendement à l’article 21 du projet de loi Pacte, de même nature mais cette fois-ci porté par Les Républicains, a été voté par le Sénat. Dans le projet initial, l’article 21 a pour objectif de renforcer la contribution de l’assurance-vie au financement de l’économie, mais ne prévoit cependant pas la possibilité de transférer les contrats. Pourtant, dans un même temps, l’article 20 introduit la transférabilité pour les produits d’épargne-retraite que sont le PERCO et l’Article 83. L’amendement a été adopté en première lecture par le Sénat le 31 janvier 2019. Son objectif : rendre un transfert total ou partiel possible pour les 50 millions de contrats d’assurance-vie détenus par les Français. Cela permettrait de conserver l’antériorité des contrats et donc l’ensemble des avantages fiscaux acquis.
L’étape suivante : la validation par l’Assemblée nationale
Bien que validé par le Sénat, cet amendement doit maintenant être examiné en deuxième lecture par l’Assemblée nationale. Il est important de noter que la validation finale d’un projet porté par LR dans le cadre d’une Assemblée à majorité LREM s’avère compromise, mais a le mérite de remettre le sujet au cœur du débat.